Stress chronique, anxiété …Les probiotiques peuvent-ils aider ?

par | 18 Déc 24 | Blog, Santé digestive

On parle de plus en plus de probiotiques pour l’humeur ou psychobiotiques. Cela parait prometteur, surtout maintenant que l’on commence à en savoir plus sur l’impact de notre 2eme cerveau, l’intestin (ou plus exactement l’écosystème intestinal), sur nos émotions… En parallèle, les études conduites dans le domaine de la neuro-immuno-endocrinologie montrent comment des traumas, aigus ou chroniques, ou des manques affectifs, des négligences pendant l’enfance peuvent faire le terrain d’anxiété chroniques autant que de troubles digestifs chroniques (ou autres pathologies). Mais alors lequel influence quoi ? Quel rôle joue réellement notre microbiote sur l’humeur et la perception du stress ? Et surtout : comment peut-on agir concrètement en cas de stress chronique, d’anxiété ou autres troubles de l’humeur ?

Mieux comprendre le fonctionnement de l’axe intestin-cerveau

Depuis des années, les recherches ont montré l’existence de ce que les anglo-saxons appellent le ‘gut-microbiome-brain axis’ que l’on simplifiera en axe intestin-cerveau en français. La communication entre ces 2 organes est bidirectionnelle. Elle passe par différents ‘moyens de communication’ :

  • Le système nerveux autonome, notamment via la branche ventrale du nerf parasympathique ou nerf vague qui envoi des informations du cerveau à l’intestin, et inversement ! En cas de syndrome de l’intestin irritable, l’inflammation intestinale (et la dysbiose) tend à activer le nerf vague, ce qui génère des perturbations de l’humeur.
  • Les hormones, via l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien : le stress chronique entraine la sécrétion d’une cascade d’hormones depuis l’hypothalamus jusqu’aux surrénales sécrétant le fameux cortisol. Cortisol qui vient directement agir au niveau de récepteurs situés dans l’intestin.
  • Les neurotransmetteurs (sérotonine, GABA,…) produits à la fois dans le cerveau et par les bactéries du colon.
  • Certains métabolites produits ou libérés par les bactéries de notre microbiote intestinal peuvent passer dans le sang et remonter jusqu’au cerveau, y compris les LPS, des endotoxines libérées par certaines bactéries Gram négatif et sources d’inflammation.
  • Les cytokines inflammatoires produites en lien avec une dysbiose, un excès de perméabilité intestinale,… et venant agir directement au niveau du cerveau.

Focus sur le nerf vague1 :

Il est constitué d’environ 20% de fibres efférentes (allant du système nerveux vers les organes, dont l’intestin) et 80% de fibres afférentes (qui vont des organes jusqu’au système nerveux central). Au final il y aurait donc ‘avantage d’information provenant des organes vers le cerveau via ce nerf que l’inverse ! Pourtant, les études montrent son rôle clé dans la digestion (stimulation de la prodction d’acide par l’estomac, de l’excrétion de bile par la vésicule biliaire, par l’activation de la motricité intestinale,…) de même que dans le maintien d’une bonne perméabilité intestinale et dans la modulation de l’inflammation digestive ! On comprend donc mieux l’importance d’avoir un bon ‘tonus vagal’ et donc un parfait fonctionnement entre le système nerveux sympathique (en lien avec la réponse « fight or flight » liée au stress) et le parasympathique, donc ce nerf vague. En cas de stress chronique et d’état d’hyper vigilance, le tonus vagal est faible, donc la digestion non efficiente et le niveau d’inflammation digestive plus élevé…

Impact du microbiote sur l’équilibre nerveux et le stress (action du bas vers le haut)

Dans une étude, Peng Xie, MD, de l’Université médicale de Chongqing en Chine, et ses collègues ont découvert que le microbiote intestinal de patients souffrant de troubles dépressifs majeurs différait considérablement de ceux des témoins sains. Les chercheurs ont transplanté la flore fécale des participants humains chez des souris exemptes de bactéries. Les souris ayant reçu des greffes fécales de personnes souffrant de dépression ont montré davantage de comportements dépressifs et anxieux que les souris ayant reçu des greffes de participants humains en bonne santé2.

Une autre étude menée cette fois-ci par des chercheurs Irlandais3 et visant à voir l’effet de psychobiotiques (=probiotiques ayant une action sur l’humeur), ont donné aux participants, soit un placébo, soit un complément contenant une souche spécifique de la bactérie Bifidobacterium longum. Les patients ont été soumis avant et après la prise de ces compléments à des tests visant à mesurer leur résistance au stress ainsi que leurs performances cognitives. Les chercheurs ont vu chez les personnes ayant pris le probiotique un moindre niveau de cortisol sanguin (donc un stress mieux géré) et un niveau d’anxiété moindre vis-à-vis du test.

…et impact des approches comportementales et cognitives sur le microbiote (effet du haut vers le bas)

D’autres chercheurs se sont quant à eux plutôt consacré à étudier le phénomène inverse, à savoir est-ce qu’améliorer la gestion du stress permettait de moduler le microbiote ! Et bien la réponse est oui !

Une équipe de chercheurs de l’université de Buffalo (Mayer et J.Lackner) a étudié l’impact de thérapies cognitives et comportementales sur le microbiote de personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable. Deux points intéressants sont ressortis de cette étude :

  • le premier, c’est que certains participants avec un type de microbiote particulier en début d’étude répondaient mieux que les autres à la thérapie. Donc la composition du microbiote avait un sorte d’effet prédictif de l’efficacité de thérapies comportementales.
  • le deuxième, c’est que la thérapie avait modifié les microbiotes intestinaux chez tous les participants !

On a donc bien une communication circulaire entre le cerveau et l’intestin/le microbiote et entre le microbiote et le cerveau ! Passionnant, non ?!

Les probiotiques représentent-ils une approche sérieuse pour améliorer la réponse au stress ? 

Ce type d’étude est bien sûr du pain béni pour les fabricants de probiotiques qui se sont mis à rechercher les meilleures souches pour venir agir sur l’anxiété, sur la dépression, etc. Et effectivement, certaines souches s’avèrent intéressantes…mais les résultats sont encore largement mitigés. En effet, la réalité semble plus complexe que cela…

1er problème : les souches probiotiques ne s’implantent pas durablement et pas chez tout le monde4

Effectivement, il semble que selon leur composition du microbiote intestinal, certaines personnes soient clairement résistantes à l’installation de nouvelles souches probiotiques suite à une complémentation alors que d’autres sont plus ‘permissives’. En revanche, même dans ce cas là, généralement le microbiote revient à son état initial en quelques semaines (voire mois, dans le meilleur des cas).

2e problème : il n’y a pas 1 modèle de microbiote idéal pour être détendu et de bonne humeur !

Il existe un grand nombre de microbiotes intestinaux sains et en eubiose (=diversifié et en équilibre) et un grand nombre de microbiotes permettant d’être bien psychologiquement parlant. Plus que l’action d’une seule bactérie , c’est souvent la présence, voire l’interaction, de plusieurs familles de bactéries qui va impacter la santé et l’humeur.

Quelle approche à l’anxiété et au stress chronique dans ce cas ?

Et bien plutôt que de chercher LA solution miracle, il semble que la meilleure solution se trouve dans le contenu de notre assiette et dans une approche globale de la personne! En ayant une alimentation :

  • La plus diversifiée possible ! du moins en fonction de ses tolérances personnelles mais souvent mieux vaut un tout petit peu d’un aliment que pas du tout)
  • Riche en fibres, solubles et insolubles idéalement : donc min 600g de légumes non farineux +1 à 2 fruits/jour, des céréales complètes ou semi-complètes (ou produits céréaliers à base de farines complètes/semi-complètes) selon tolérance. Mais éviter l’éviction de FODMAP au-delà de quelques mois autant que possible
  • Contenant des probiotiques naturels : yaourts (laitiers ou végétaux), légumes lactofermentés, tofu lactofermenté, tempeh, kéfir, fromages (selon tolérance)…
  • Riche en polyphénols et antioxydants: baies rouges (dont raisin rouge si bio), grenade, thé vert bio et non chinois, cacao, …
  • Peu transformée donc sans additifs, colorants, arômes de synthèse, sans édulcorants
  • Riche en omega-3 : poissons gras (sardine, maquereau, truite surtout), huile de type lin/colza/chanvre/cameline, graines de lin broyées, graines de chia trempées, œufs issus de la filière bleu-blanc-cœur
  • et bien sûr: Limiter la consommation de sucre et d’alcool et éviter la cigarette (ou autres drogues)

Ensuite, à côté du contenu de l’assiette, ne pas hésiter justement à agir AUSSI au niveau du cerveau par des thérapies telles que l’EFT, l’EMDR, l’Hypnose, le neurofeedback ou des approches somatiques.

Si vous souffrez d’anxiété chronique ou d’un état d’hypervigilance constant, il faudra surement une association de différentes approches afin de modifier durablement les connections neuronales et rééquilibrer le système nerveux. Sans oublier d’agir sur les traumas vécus, souvent dans l’enfance ou les manques liés à cette période (manque de soutien émotionnel, manque d’amour, d’attention, négligence,…) voire les traumas en lien avec la grossesse (une mère très anxieuse pendant la grossesse impacte le microbiote et le système nerveux de l’enfant ) ou la naissance.

Le mot de la fin:

Si tu souhaites prendre en charge ton état émotionnel et ta santé intestinale de manière holistique, tu es au bon endroit ! A condition que tu ne sois pas en attente de la pilule magique, je t’accompagne sur ce chemin vers le mieux être, grâce à une prise en compte de ton alimentation, de ton hygiène de vie, de ta respiration…et de tes émotions !

 

 

Sources :

1-Bonaz Bruno , Bazin Thomas , Pellissier Sonia ; The Vagus Nerve at the Interface of the Microbiota-Gut-Brain Axis – Frontiers in Neuroscience, Vol 12, 2018 – https://www.frontiersin.org/journals/neuroscience/articles/10.3389/fnins.2018.00049

2-Zheng, P., Zeng, B., Zhou, C. et al. Gut microbiome remodeling induces depressive-like behaviors through a pathway mediated by the host’s metabolism. Mol Psychiatry 21, 786–796 (2016). https://doi.org/10.1038/mp.2016.44

3-Allen, A., Hutch, W., Borre, Y. et al. Bifidobacterium longum 1714 as a translational psychobiotic: modulation of stress, electrophysiology and neurocognition in healthy volunteers. Transl Psychiatry 6, e939 (2016). https://doi.org/10.1038/tp.2016.191

4-Personalized Gut Mucosal Colonization Resistance to Empiric Probiotics Is Associated with Unique Host and Microbiome Features – Zmora, Niv et al. -Cell, Volume 174, Issue 6, 1388 – 1405.e21

Et globalement : Weir, K. (2018, December 1). The future of psychobiotics. Monitor on Psychology, 49(11). https://www.apa.org/monitor/2018/12/cover-psychobiotics

 

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